De et avec : Inbal Ben Haim, Alexis Mérat et Domitille Martin
Conception et direction artistique : Inbal Ben Haim
Collaboration artistique, scénographie, accessoires : Domitille Martin
Collaboration artistique, ingénierie – construction papier : Alexis Mérat
Création lumière : Marie-Sol Kim
Création son : Max Bruckert
Musique originale additionnelle : Caroline Chaspoul et Eduardo Henriquez (Nova Materia)
Création costume : Clémentine Monsaingeon, Anaïs Heureaux
Regards extérieurs et dramaturgie : Eleonora Gimenez, Shahar Dor
Assistanat mise en scène : Kamma Rosenbeck
Collaboration technique et artistique : Sophie Lascombes
Conseils manipulation d’objets : Inbal Yomtovian
Conseils artistiques : Elodie Perrin
Régie générale : Yann Guénard
Production Les SUBS – lieu vivant d’expériences artistiques, Lyon
Avec le soutien de la Fondation d’entreprise Hermès dans le cadre du programme New Settings
Coproductions & résidences
Le CCN2 – Centre chorégraphique national de Grenoble ; La Plateforme 2 Pôles Cirque en Normandie | La Brèche à Cherbourg – Cirque-Théâtre d’Elbeuf ; Le Théâtre de Rungis ; ARCHAOS – Pôle National Cirque Méditerranée, Marseille ; Les utoPistes, Lyon ; 6 mettre – Pôle de création dédié aux arts vivants, Fresnes ; Le Plus Petit Cirque du Monde, Bagneux ; CDN Orléans/Centre-Val de Loire ; Circusnext
Soutiens
La DRAC Auvergne-Rhône-Alpes ; La Région Ile-de-France – FoRTE, Fonds Régional pour les Talents Émergents ; La SACD / Processus Cirque ; La Nationale des papeteries ; Gascogne Papier ; Lauréat circusnext 2020-2021, plateforme co-financée par le programme Europe Créative de l’Union européenne
Remerciements
Piste d’Azur – Centre Régional des Arts du Cirque ; Le CNAC – Centre National des Arts du Cirque Châlons-en-Champagne ; ICiMa – Chaire d’Innovation Cirque et Marionnette ; ON – Center for Contemporary Circus Création, Israël , Orit Nevo et Lucie Bonnet
Artiste associée au CCN2 – Centre chorégraphique national de Grenoble (2020 – 2022)
L’ensemble du processus de création a porté une attention particulière au parcours de la matière. À l’issue de la représentation, le papier utilisé dans ce spectacle est soit réutilisé, soit recyclé.
Née en 1990 à Jérusalem (Israël), INBAL BEN HAIM développe un double parcours dans les arts visuels, le sport et l’art du mouvement. Elle découvre le cirque aérien à l’âge de treize ans au Free Dome Project, puis au Cirque Shabazy, où elle appréhende un espace d’expression corporelle qui la touche profondément.
Après son service civil en Israël, où elle développe une pédagogie de cirque adaptée aux jeunes en difficultés, Inbal Ben Haim s’installe en France. Ici, elle approfondit son travail aérien au sein d’écoles de cirque (Piste d’Azur, Centre National des Arts du Cirque à Châlons-en-Champagne). En 2018, elle co-crée le spectacle RACINE(S) avec l’Attraction Compagnie.
Spécialisée dans la corde verticale, Inbal Ben Haim tisse un rapport unique entre corps et matière, en cherchant toujours une poésie visuelle. Son langage artistique se situe au croisement du cirque et des arts visuels, entre l’intime et le spectaculaire, l’ici et l’ailleurs.
ALEXIS MÉRAT est plieur de papier. Son geste est le pliage, sa matière est le papier et son champ d’application est large, entre art et science. Le pli est un mouvement universel, reliant aussi bien l’intime de notre peau que la grandeur de la croûte terrestre. Le papier est un support fondamental, véhicule de notre civilisation. Alexis navigue entre les possibilités infinies qu’offre la combinaison de ces deux univers.
Ingénieur de formation , il a également une pratique artistique professionnelle depuis dix ans. Cela l’a mené à participer à une grande variété de projets, de la modélisation mathématique de formes froissées, l’étude de packagings innovants, la réalisation d’objets de décoration ou encore la conception d’installations monumentales. Le croisement entre disciplines est vital dans sa pratique.
Depuis 2016, il collabore principalement avec le spectacle vivant, comme la compagnie Pseudonymo pour la marionnette, le groupe Lagoon Pirate pour les arts de la rue, le chorégraphe Omar Rajeh et surtout avec la circacienne Inbal Ben Haim pour le projet PLI. Il créé avec Domitille Martin, La Tornade, oeuvre monumentale de papier installée sous la Verrière des SUBS en avril 2021.
DOMITILLE MARTIN est artiste plasticienne, sculptrice de matières composites et réalise des installations artistiques dans l’espace. Les formes qu’elle modèle puisent leur inspiration dans la nature. Son travail traite des métamorphoses, aussi bien animales, végétales, minérales qu’humaines. Diplômée de l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs de Paris en 2015, elle s’associe à des artistes venant de la performance ou du cirque pour donner vie à ses créations, notamment auprès de Nina Harper, Kamma Rosenbeck et Quentin Folcher. Elle est la scénographe des spectacles chorégraphiques d’Anna Rodriguez, de la Cie Le jardin des délices et au côté d’Inbal Ben Haim dans RACINE(S).
Depuis 2018, elle est artiste résidente au sein de l’Association « La Source » et participe en 2019 au programme « Création en Cours », mené par les Ateliers Médicis et le Ministère de la Culture. Cette année, elle crée avec Alexis Mérat La Tornade, œuvre monumentale de papier installée sous la Verrière des SUBS. Domitille Martin est lauréate de prix Pierre Gautier-Delaye et bénéficie d’une résidence à la Cité Internationale des Arts de 2020 à 2021..
Dans Pli, Inbal Ben Haim tente l’association paradoxale du cirque et du papier. En érigeant ce corps fragile en matériau de ses agrès et de sa scénographie, la circassienne renouvelle la notion de prise de risque et s’immerge dans un univers plastique inédit.
En explorant la suspension sur papier, Inbal Ben Haim découvre une autre manière d’écrire ses acrobaties aériennes, où le risque de la déchirure devient source de tension dramatique. Le corps de l’interprète garde sa centralité, mais se soumet aux contraintes de l’agrès, qui l’obligent à trouver de nouvelles figures. Il existait un théâtre de papier, ce spectacle pose les jalons d’un cirque de papier, en explorant les propriétés poétiques et métaphoriques de son médium : sa faiblesse mais aussi son étonnante résistance, sa capacité à se transformer et à garder l’empreinte des mouvements, sa transparence, le son qu’il produit lorsqu’on le manipule. Pli est une œuvre hybride, circassienne autant que plastique, spectaculaire et sensuelle.
Mathieu Dochtermann, LA TERRASSE
Pliée, collée, découpée, tissée, mâchée, glacée, recyclée, la papier, matière aux origines millénaires est ici en perpétuelle métamorphose. Passant de la fragilité à la résistance, elle acquiert de nouvelles propriétés fonctionnelles, visuelles et musicales. Au début, les rouleaux tracent des voies, sortes de pistes de recherche sur lesquelles s’activent les artistes, jusqu’au final, époustouflant, qui nous mène très loin, avec cette cordiste évoluant entre ces couches de papier aux allures de vagues. L’expressivité sonore est aussi bien exploitée : froissements et déchirures laissent place à une respiration bienvenue, entre l’ici et l’ailleurs. Ce voyage, riche en sensations est d’une pureté brute et organique.
Agnès Dopff, MOUVEMENT
Sa deuxième création témoigne d’une originalité folle : un spectacle e, forme de manifeste à la fois intime et total, où, du sol aux cieux, la papeir envahit la scène et devient décor et costume, mais aussi nouvel agrès tissé-noué où se hisser le long de "plusieurs bras ».
Emmanuelle Bouchez, TÉLÉRAMA
CRÉATION 1H - Salle Antoine Vitez
Coproduction CDNO
PLI est un projet de création acrobatique et poétique qui réunit le corps et une matière : le papier. Né de la rencontre entre la circassienne Inbal Ben Haim et Alexis Merat, plasticien du papier, le projet se situe au croisement du cirque et des arts plastiques. La plasticienne et scénographe Domitille Martin a rejoint le projet pour œuvrer au détournement de l’agrès, 100% papier, qui vient se fondre dans le décor.
ENTRETIEN AVEC INBAL BEN HAIM
La création de votre spectacle Pli sera l’aboutissement d’un processus artistique au long cours. Quel en est le point de départ ?
Tout a commencé en 2016, au CNAC (Centre National des Arts du Cirque), pendant un stage dirigé par Johann Le Guillerm. Il nous a proposé de créer quelque chose de très personnel en nous appropriant ce qu’il appelle des « pratiques minoritaires » : des expressions artistiques un peu oubliées, mal considérées ou carrément marginales. Le papier s’est alors imposé à moi. Je voulais fabriquer un oiseau qui puisse me permettre de prendre mon envol. Je n’ai évidemment pas tout à fait réussi mais les jours que j’ai passés à me confronter au papier pour façonner une grande poupée à taille humaine, a posé les bases de ma relation avec cette matière si riche de promesses, et à laquelle j’ai toujours été sensible. Ma rencontre avec Alexis Mérat – toujours au CNAC, dans le cadre de la Chaire IciMa – a ensuite scellé le sort de mes recherches. Sa connaissance technique et son appréhension esthétique du papier ont ouvert de nouvelles perspectives pour concevoir des dispositifs de suspension en papier comme la corde mais aussi d’autres agrès totalement inédits. La découverte du papier comme matière à la fois délicate et très résistante, m’a profondément touchée et m’a lancée dans des recherches aussi bien techniques, esthétiques que poétiques. Du cirque avec du papier devenait alors vraiment possible.
Cette confrontation originale entre le cirque et le papier soulève des défis techniques encore inexplorés. Comment orchestrez-vous ces séquences de recherche ?
Avec Aléxis Mérat, qui est à la fois plasticien et ingénieur spécialiste du papier, et l’artiste et scénographe Domitille Martin, nous testons différents procédés de pliage, de froissage et de torsion du papier pour augmenter ses capacités de résistance. Cette phase de recherche est à la fois technique et dramaturgique car le spectacle mettra en scène la construction à vue des agrès pour que le public soit témoin du travail sur le matériau. La transformation de cette matière première est envisagée dans ses interactions avec la lumière, le son, la scénographie, le costume et les actions que nous accomplissons tous les trois sur scène. Ce qui me plaît avec le papier, c’est qu’il est à portée de main à chaque instant de nos vies. Il a une envergure universelle et quotidienne. Tout le monde à une expérience directe du papier qui passe d’ailleurs beaucoup par le touché. Nous allons déployer cet aspect charnel du papier mais en introduisant une dimension surréelle avec des effets d’expansion et d’amplification tant sonores que visuels. Les différents états que connait le papier en passant de la fragilité à la résistance et à la déchirure génèrent les mouvements du corps, des formes et des changements de l’espace.
Une des spécificités du papier est de conserver la mémoire du geste, de faire empreinte. Les plis matérialisent un espace-temps.
Dans le contexte des arts du cirque, le papier crée également une sorte de suspens. En mettant à l’épreuve sa résistance dans des situations aériennes, l’incertitude devient dramatique : le papier va-t-il tenir ? J’ai envie de jouer avec cette réaction spontanée en allant jusqu’à des moments de rupture, de déchirure, comme si je sciais la branche sur laquelle je suis assise. C’est ici que je trouve la notion du risque dans le cirque. On ne fait pas ce qu’on veut avec le papier. Il vous manipule autant que vous le manipulez. Les gestes et les mouvements que je produis s’adaptent aux spécificités et aux possibilités de la matière. Les figures que je crée sont très différentes de celles qui me sont familières avec des agrès traditionnels. Ce type de travail aérien s’inscrit dans la voie ouverte par Chloé Moglia, Mélissa Von Vépy ou Fanny Soriano : des femmes qui pratiquent l’acrobatie aérienne avec d’autres ressources, d’autres rapports aux objets, dans un dialogue incongru avec le monde. L’agrès a une fonction technique et dramatique, de forme et de contenu. Avec Pli, le papier et le corps ont une importance égale. Mais c’est lui qui donne le ton. C’est lui la vedette.
L’intérêt que vous portez au papier et au pli fait bien sûr penser au Japon. La culture japonaise est-elle pour vous une source d’inspiration ?
Comment faire l’impasse sur un artiste comme Issey Miyake quand on explore les nuances infinies du pli ? La création contemporaine japonaise (et aussi la tradition philosophique) a une grande importance à mes yeux. Par exemple, j’aime beaucoup les oeuvres de Chiharu Shiota : les fils arachnéens qu’elle tisse dans l’espace créent des formes paradoxales et des rapports d’échelle très surprenants. Ma démarche artistique est nourrie par plusieurs éléments fondamentaux de l’esthétique japonaise. Je suis fascinée par le culte du papier qu’ont les Japonais : ils en font un matériau social très puissant. La danse butô a également une influence sur mon approche de la dramaturgie et du mouvement. Je suis enfin très sensible au concept spirituel du wabi-sabi, la quête de la beauté dans l’imperfection. Il est en effet primordial pour moi d’accepter la diversité et l’irrégularité des choses. Il ne s’agit pas de le faire volontairement, mais simplement de ne pas rechercher à être complètement parfait. Accepter d’avoir des défauts, laisser place aux altérations du temps, aux accidents du hasard, aux effets de la nature : laisser la vie faire son oeuvre. C’est ce dont je me suis rendu compte en devant surmonter l’épreuve d’une blessure à l’épaule. Mon travail d’artiste de cirque est finalement devenu plus intéressant avec cette partie de mon corps blessée/réparée qu’avec une constitution physique « parfaite ». C’est dans ces fragilités que je trouve une autre puissance.
Propos recueillis par Stéphane Malfettes (janvier 2020)