Avec Angélica Liddell, Gumersindo Puche, Palestina de los Reyes, Patrice Le Rouzic et Ezekiel Chibo
Texte, mise en scène et scénographie Angélica Liddell

Costumes Justo Algaba, Angélica Liddell
Assistant mise en scène Borja López
Régie Nicolas Guy Michel Chevallier
Lumières Mark Van Denesse
Son Antonio Navarro
Directeur technique Tirso Izuzquiza

Directeur de production Gumersindo Puche
Assistants de production et de communication Saité Ye, Génica Montalbano

Production Atra Bilis, Iaquinandi S.L.
Coproduction NTGENT ; Festival d'Avignon ; Tandem-Scène nationale Arras-Douai ; Künstlerhaus Mousonturm.

Après des études de psychologie et d’art dramatique, Angélica Liddell fonde au début des années 1990 la compagnie Atra Bilis, en latin, la « bile noire », considérée par la médecine antique comme étant la source du génie et de la mélancolie. Un nom comme un programme décliné dans une vingtaine de pièces écrites par cette artiste espagnole, auteure, metteure en scène et interprète de ses créations. Traduits en anglais, roumain, russe, allemand, polonais, grec, portugais, japonais et italien, ses textes sont publiés en France aux Solitaires Intempestifs, dans des traductions de Christilla Vasserot.

Ses dernières œuvres L’Année de Ricardo, La Maison de la force, Maudit soit l’homme qui se confie en l’homme, Tout le paradis sur terre (syndrome de Wendy’s), Le Cycle de résurrections, Que ferais-je, moi, de cette épée ? et récemment The Scarlett Letter ou le diptyque Una costilla sobre la mesa : Padre & Madre ont été présentés au Festival d’Avignon, Wiener Festwochen, à la Schaubühne de Berlin et au Théâtre de l’Odéon parmi beaucoup d’autres théâtres en Europe, Amérique du Sud, États-Unis et Asie.

Angélica Liddell a reçu le Prix national de littérature dramatique en 2012 par le ministère espagnol de la Culture pour La Casa de la fuerza, ainsi que le Lion d’argent lors de la Biennale de Venise 2013. Elle est nommée, en 2017, Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres par le ministère de la Culture et de la Communication de la République française.


Il s’agit du spectacle le plus limpide et frontal d’Angélica Liddell, découverte à Avignon en 2010, Madrilène starifiée en France, qui ici jette et réduit en miettes sa statue. Il s’agit aussi de son œuvre la plus réflexive sur son art, sa pratique, sur sa fin qu’elle suppose imminente, mais l’on sait que le propre des mirages est de reculer dès qu’on s’approche, et le mot «fin» est à prendre dans toutes ses acceptions. Voici le moment où elle a supprimé toute frontière, tout décorum sur le plateau, peau translucide, dictions suffocantes.
Anne Diatkine - LIBÉRATION

Enfin l’œuvre qu’on attendait pour bousculer cette 75e édition du Festival d’Avignon. Dans son dernier opus, Liebestod, l’artiste espagnole Angélica Liddell remonte aux sources de son théâtre dans un rodéo tauromachique avec elle-même…
Emanuelle Bouchez - TÉLÉRAMA

Liebestod
L'odeur du sang ne me quitte pas des yeux - juan belmonte
Histoire(s) du Théâtre III

vendredi 10 décembre 19h30
samedi 11 décembre 18h

CRÉATION 1h40 - Salle Jean-Louis Barrault
Spectacle en français et en espagnol sous-titré en français

Angélica Liddell ne cesse de défendre et de pratiquer un théâtre porté par la transcendance, permettant d'atteindre ce qu'il est impossible de comprendre. L'amour, la mort, Dieu. L'indicible prend place et vie sur le plateau, lieu de l'émotion pure. Dans cette création, la performeuse espagnole, artiste associée au CDNO, mêle le chant funèbre de l'amour à la tauromachie, le couple formé par Tristan et Isolde au torero Juan Belmonte. Le tragique s'unit au sublime, lui permettant d'esquisser l'intensité du théâtre, expérience cathartique et sacrificielle.
Avec ce troisième volet d'Histoire(s) du Théâtre, Angélica Liddel prend la suite du metteur en scène suisse, Milo Rau et du chorégraphe congolais, Faustin Linyekula.


NOS ABYSSALES AMBIVALENCES

Liebestod. Ce terme allemand est emprunté à l’aria finale de l’opéra de Wagner, Tristan und Isolde dont il est le titre, annonçant la fin tragique des amants et l’ultime chant d’amour d’Yseult sur le corps mort de Tristan. Angélica Liddell, dans la continuité de son exploration des multiples dimensions et expressions du sentiment tragique, noue ce motif amoureux en lien étroit avec la mort et le désespoir, à la célèbre figure de Juan Belmonte, torero hors du commun qui aura transformé en profondeur l’art de la tauromachie dans les années 20, tranchant indubitablement d’un avant et d’un après l’histoire de la corrida espagnole. Son dévouement suprême, son élégance et sa dignité jamais entachées par la proximité du danger, sa façon unique et physique de dialoguer avec la bête en face et celle en lui peut-être, sa rivalité stimulante avec son ami José Gómez Ortega dit « Joselito », sont des sources inspirantes profondes pour Angélica Liddell qui se nourrit non seulement de la vie de cet homme d’exception – ponctuée par son suicide à l’orée de son soixante-dixième anniversaire – mais aussi d’écrits sur la tauromachie, de critiques et chroniques de l’époque et puise dans la superbe biographie référence de Manuel Chaves Nogales parue en 1935. Même José Bergamín, écrivain et intellectuel espagnol qui fut son détracteur le plus impitoyable, a fini par admettre que Juan Belmonte était « l’inventeur de la spiritualité artistique de la tauromachie, le découvreur conscient de celle-ci ». De ce matador intrépide, titan fragile d’une discipline à laquelle il a voué son corps et son âme, de ce paradoxe dérangeant qui rend inséparables la beauté et la cruauté, de cet affrontement de l’homme et de l’animal au centre de l’arène, de ce face-à-face inéluctable avec la peur primitive de la mort, Angélica Liddell tire une matière brûlante, une réflexion plus globale sur l’art du théâtre, la liturgie du sacrifice, la transcendance par le don de soi, la solitude inexorable de l’artiste. Juan Belmonte révolutionne et radicalise la tauromachie, la hisse à un niveau chorégraphique sans précédent, lui injecte une dimension sacrée.
Angélica Liddell investit cette légende vivante de sa propre puissance créatrice, elle la porte aux nues en lui rendant un hommage scénique éblouissant, elle met au jour nos contradictions profondes et nos abyssales ambivalences en révélant l’énergie poétique qui s’y cache. Quand le torero se fond dans le taureau, l’amour dans la mort, le blasphème dans la rédemption, la communion dans l’affrontement, l’éthique dans l’esthétique, le mysticisme dans l’hérésie… Dans sa quête d’absolu, le théâtre d’Angélica Liddell tend de tout son être vers cet état paroxystique où violence et sublime forcent les limites de la raison pour nous faire pénétrer sa transe cathartique. Marie Plantin